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respectable et cher. Mais au milieu du combat le plus énergique et le plus acharné, et au besoin même mortel contre lui, je dois respecter son caractère humain. — Ma propre dignité d’homme n’est qu’à ce prix. Pourtant, si lui-même ne reconnaît cette dignité en personne, faut-il, peut-on la reconnaître en lui ? S’il est une sorte de bête féroce ou, comme cela arrive quelquefois, pire qu’une bête, reconnaître en lui le caractère humain, ne serait-ce pas tomber dans la fiction ? Non, car quelle que soit sa dégradation intellectuelle et morale actuelle, s’il n’est organiquement ni un idiot, ni un fou, dans lesquels cas il faudrait le traiter non en criminel mais en malade, — s’il est en pleine possession de ses sens et de l’intelligence que la nature lui a départie, son caractère humain, au milieu même de ses plus monstrueux écarts, n’en existe pas moins d’une manière très réelle en lui, comme faculté, toujours vivante tant qu’il vit de s’élever à la conscience de son humanité, — pour peu que s’effectue un changement radical dans les conditions sociales qui l’ont rendu tel qu’il est.

Prenez le singe le plus intelligent et le mieux disposé, mettez-le dans les meilleures, dans les plus humaines conditions — vous n’en ferez jamais un homme. Prenez le criminel le plus endurci ou l’homme le plus pauvre d’esprit ; pourvu qu’il n’y ait ni dans l’un, ni dans l’autre, quelque lésion orga-