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mérite cette excessive modestie, ils se présentent eux-mêmes au suffrage de leurs concitoyens, — seront-ils toujours acceptés et préférés par le peuple à des intrigants ambitieux, éloquents et habiles ? Si, au contraire, ils veulent s’imposer par la force, il faut d’abord qu’ils aient à leur disposition une force suffisante pour vaincre la résistance d’un parti entier. Ils arriveront au pouvoir par la guerre civile, au bout de laquelle il y aura un parti non réconcilié mais vaincu et toujours hostile. Pour le contenir, ils devront continuer à user de la force. Ce ne sera donc plus une société libre, mais un État despotique fondé sur la violence et dans lequel vous trouverez peut-être beaucoup de choses qui vous paraîtront admirables — mais la liberté jamais.

Pour rester dans la fiction de l’État libre issu d’un contrat social, il nous faut donc supposer que la majorité des citoyens aura toujours eu la prudence, le discernement et la justice nécessaires pour élire et pour placer à la tête du gouvernement les hommes les plus dignes et les plus capables. Mais pour qu’un peuple ait montré, non une seule fois et seulement par hasard, mais toujours, dans toutes les élections qu’il aura eu à faire, pendant toute la durée de son existence, ce discernement, cette justice, cette prudence, ne faut-il pas que lui-même, pris en masse, ait atteint un si haut degré de moralité et de culture,