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souvent la vertu, — car la vertu de l’homme isolé est fragile, — nous croirons avoir tout le droit de crier au miracle en voyant tant de sociétés exister ! mais passons outre.

Supposons que dans une société idéale, à chaque époque, il se trouve un nombre suffisant d’hommes également intelligents et vertueux, pour remplir dignement les fonctions principales de l’État. Qui les cherchera, qui les trouvera, qui les distinguera et qui mettra en leurs mains les rênes de l’État ? S’en empareront-ils eux-mêmes dans la conscience de leur intelligence et de leur vertu ; ainsi que le firent deux sages de la Grèce, Kléobule et Périandre, auxquels, malgré leur grande sagesse supposée, les Grecs n’en attachèrent pas moins le nom odieux des tyrans ? Mais de quelle manière saisiront-ils le pouvoir ? Sera-ce par la persuasion ou par la force ? Si c’est par la première, nous observerons qu’on ne persuade bien que de ce dont on est bien persuadé soi-même et que les meilleurs hommes sont précisément ceux qui sont le moins persuadés de leur propre mérite ; en ont-ils même la conscience, il leur répugne ordinairement de l’imposer aux autres, tandis que les hommes mauvais et médiocres, toujours satisfaits d’eux-mêmes, n’éprouvent aucune répugnance à se glorifier. Mais supposons même que le désir de servir la patrie, ayant fait taire dans les hommes d’un réel