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ou bien pour élargir sa puissance, tout cela devient devoir et vertu. Et cette vertu, ce devoir sont obligatoires pour chaque citoyen patriote ; chacun est censé devoir les exercer, non seulement contre les étrangers, mais contre ses concitoyens eux-mêmes, membres ou sujets comme lui de l’État, toutes les fois que le réclame le salut de l’État.

Ceci nous explique pourquoi dès le commencement de l’histoire, c’est-à-dire dès la naissance des États, le monde de la politique a toujours été et continue d’être encore le théâtre de la haute coquinerie et du sublime brigandage, — brigandage et coquinerie d’ailleurs hautement honorés, puisqu’ils sont commandés par le patriotisme, par la morale transcendante et par l’intérêt suprême de l’État. Cela nous explique pourquoi toute l’histoire des États antiques et modernes n’est qu’une série de crimes révoltants ; pourquoi rois et ministres présents et passés, de tous les temps et de tous les pays : hommes d’État, diplomates, bureaucrates et guerriers, si on les juge au point de vue de la simple morale et de la justice humaine, ont cent fois, mille fois mérité le gibet ou les galères ; car il n’est point d’horreur, de cruauté, de sacrilège, de parjure, d’imposture, d’infâme transaction, de vol cynique, de pillage effronté et de sale trahison, qui n’aient été ou qui ne soient quotidiennement accomplis par les représentants des États,