Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.

seillaient sa faiblesse ou sa force relatives — c’est-à-dire sa prudence et son intérêt propres[1]. Alors l’égoïsme, toujours selon cette même théorie, était la loi suprême, le seul droit : le bien était déterminé par le succès, le mal par la seule défaite et la justice n’était que la consécration du fait accompli, quelque horrible, cruel ou infâme qu’il fût — tout à fait comme dans la morale politique qui prévaut aujourd’hui en Europe.

La distinction du bien et du mal ne commence, selon ce système, qu’avec la conclusion du contrat social. Alors tout ce qui fut reconnu comme constituant l’intérêt commun, fut proclamé le bien, et tout ce qui lui fut contraire, le mal. Les membres contractants, devenus citoyens, s’étant liés par un engagement plus ou moins solennel, assumèrent par là

  1. Ces rapports, qui d’ailleurs n’ont jamais pu exister entre les hommes primitifs, parce que la vie sociale a été antérieure au réveil de la conscience individuelle et de la volonté réfléchie dans les hommes, et parce qu’en dehors de la société aucun individu humain n’a jamais pu avoir de liberté ni absolue ni même relative, — ces rapports, disons-nous, sont précisément les mêmes, qui existent réellement aujourd’hui entre les États modernes, chacun d’eux se considérant comme investi d’une liberté d’un pouvoir et d’un droit absolu, à l’exclusion de tous les autres et ne gardant, par conséquent vis à-vis de tous les autres États, que les considérations qui lui sont commandées par son intérêt propre, — ce qui les constitue nécessairement tous en état de guerre permanente ou latente.