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plus grande partie de ces lois reste jusqu’à présent inconnue, et pourtant elles ont gouverné l’humaine société depuis sa naissance, indépendamment de la pensée et de la volonté des hommes qui l’ont composée ; d’où il résulte qu’il ne faut pas les confondre avec les lois politiques et juridiques qui, dans le système que nous examinons, proclamées par un pouvoir législatif quelconque, sont censées être les déductions logiques du premier contrat formé sciemment par les hommes.

L’État n’est point un produit immédiat de la nature ; il ne précède pas, comme la société, le réveil de la pensée dans les hommes, et nous essaierons plus tard de montrer comment la conscience religieuse le crée au milieu de la société naturelle. Selon les publicistes libéraux, le premier État fut créé par la volonté libre et réfléchie des hommes ; selon les absolutistes, il est une création divine. Dans l’un et dans l’autre cas, il domine la société et tend à l’absorber tout à fait.

Dans le second cas, cette absorption se comprend d’elle-même : une institution divine doit nécessairement dévorer toute organisation naturelle. Ce qui est plus curieux, c’est que l’école individualiste avec son contrat libre aboutit au même résultat. Et en effet, cette école commence par nier l’existence même d’une société naturelle antérieure au contrat — puisqu’une telle société supposerait des rapports naturels d’indi-