Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.

se rencontrent pas, qu’autant qu’ils restent plongés chacun dans un isolement individuel absolu. La liberté de l’un n’a pas besoin de la liberté de l’autre, au contraire, chacune de ces libertés individuelles se suffisant à elle-même, existant par elle-même, la liberté de chacun apparaît nécessairement comme la négation de celle de tous les autres, et toutes ces libertés, en se rencontrant, doivent se limiter et s’amoindrir mutuellement, se contredire, se détruire…

Pour ne point se détruire jusqu’au bout, elles forment entre elles un contrat explicite ou tacite, par lequel elles abandonnent une partie d’elles-mêmes, afin d’assurer le reste. Ce contrat devient le fondement de la société ou plutôt de l’État ; car il faut remarquer, que dans cette théorie, il n’y a point de place pour la société, il n’y existe que l’État, ou plutôt la société y est tout absorbée par l’État.

La société, c’est le mode naturel d’existence de la collectivité humaine indépendamment de tout contrat. Elle se gouverne par les mœurs ou par des habitudes traditionnelles, mais jamais par des lois. Elle progresse lentement par l’impulsion que lui donnent les initiatives individuelles et non par la pensée, ni par la volonté du législateur. Il y a bien des lois qui la gouvernent à son insu, mais ce sont des lois naturelles, inhérentes au corps social, comme les lois physiques sont inhérentes aux corps matériels. La