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renvoie à l’homme croyant sa propre image renversée et grossie.

Car l’action de la religion ne consiste pas seulement en ceci qu’elle prend à la terre les richesses et puissances naturelles et à l’homme ses facultés et ses vertus, à mesure qu’il les découvre dans son développement historique, pour les transformer dans le ciel en autant d’attributs ou d’êtres divins. En effectuant cette transformation, elle change radicalement la nature de ces puissances et de ces qualités, elle les fausse, les corrompt, leur donnant une direction diamétralement opposée à leur direction primitive.

C’est ainsi que la raison humaine, le seul organe, que nous possédions pour reconnaître la vérité, en devenant raison divine, se fait incompréhensible pour nous et s’impose aux croyants, comme la révélation de l’absurde. C’est ainsi que le respect du ciel se traduit en mépris pour la terre, et l’adoration de la divinité en dénigrement de l’humanité ; l’amour humain, cette immense solidarité naturelle, qui reliant tous les individus, tous les peuples, et rendant le bonheur et la liberté de chacun dépendants de la liberté et du bonheur de tous les autres, doit, malgré toutes les différences de couleurs et de races les unir tôt ou tard, dans une commune fraternité, — cet amour, transformé en amour divin et en religieuse charité, devient aussitôt le fléau de l’humanité : tout le sang versé au