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elle n’arrive à une pleine conception d’elle-même que dans l’homme qui, grâce à son intelligence — qui l’élève au-dessus de chacun de ses mouvements instinctifs et lui permet de comparer, et de critiquer et d’ordonner ses propres besoins, — seul parmi tous les animaux de cette terre, possède une détermination réfléchie de soi-même, une volonté libre.

Bien entendu que cette liberté de la volonté humaine en présence du courant universel de la vie ou de cette causalité absolue, dont chaque vouloir particulier n’est pour ainsi dire qu’un ruisseau, n’a d’autre sens ici que celui que lui donne la réflexion, en tant qu’opposée à l’exécution mécanique ou même à l’instinct. L’homme saisit et comprend les nécessités naturelles qui, en se réfléchissant dans son cerveau, y renaissent par un procédé physiologique réactif, encore peu connu, comme une succession logique de propres pensées — et cette compréhension, au milieu de son absolue dépendance aucunement interrompue, lui donne le sentiment de la propre détermination, de la volonté réfléchie spontanée et de la liberté. — À moins d’un suicide, partiel ou total, aucun homme ne parviendra jamais à se délivrer de ses appétits naturels, mais il pourra les régler et les modifier, en s’efforçant de les conformer toujours davantage à ce que dans les différentes époques de son développement intellectuel et moral, il appellera le juste et le beau.