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naturel de l’homme, l’universalise, le transforme en être abstrait et cherche à le désigner par un nom. L’objet réellement adoré par tel ou tel individu reste toujours celui-ci : cette pierre, ce morceau de bois, pas un autre ; mais du moment qu’il a été nommé par la parole, il devient un objet ou une notion abstraite, un morceau de bois ou une pierre, en général. — C’est ainsi qu’avec le premier réveil de la pensée, manifestée par la parole, le monde exclusivement humain, le monde des abstractions commence.

Grâce à cette faculté d’abstraction, avons-nous dit, l’homme, né dans la nature, produit par elle, se crée, au milieu et dans les conditions mêmes de cette nature, une seconde existence, conforme à son idéal et comme lui progressive.

Tout ce qui vit, ajouterons-nous, pour nous mieux expliquer, tend à se réaliser dans la plénitude de son être. L’homme, être vivant et pensant à la fois, pour se réaliser doit d’abord se connaître. C’est la cause de l’immense retard que nous observons dans son développement et qui fait que, pour arriver à l’état actuel de la société, dans les pays les plus civilisés, — état encore si peu conforme à l’idéal auquel nous tendons aujourd’hui — il lui a fallu employer plusieurs centaines de siècles… On dirait que, dans la recherche de lui-même, à travers toutes ses pérégrinations physiologiques aussi bien qu’historiques, l’homme a dû