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la science découvrît les lois de la création poétique pour créer leurs chefs-d’œuvre ? Eschyle et Sophocle n’ont-ils pas fait leurs magnifiques tragédies bien avant qu’Aristote eût calqué sur leurs œuvres mêmes la première esthétique ? Shakespeare s’est-il laissé jamais inspirer par aucune théorie, et Beethoven n’a-t-il point élargi les bases du contre-point par la création de ses symphonies ? Et que serait une œuvre d’art produite selon les préceptes de la plus belle esthétique du monde ? Encore une fois, une chose misérable. Mais les peuples qui créent leur histoire ne sont probablement pas ni moins riches d’instinct ni moins puissants créateurs, ni plus dépendants de MM. les savants que les artistes !

Si nous hésitons à faire usage de ce mot : création, c’est parce que nous craignons qu’on n’y attache un sens qu’il nous est impossible d’admettre. Qui dit création semble dire créateur et nous repoussons l’existence d’un unique créateur aussi bien pour le monde humain, que pour le monde physique, qui tous deux d’ailleurs n’en forment qu’un seul à nos yeux. Même en parlant des peuples, créateurs de leur propre histoire, nous avons la conscience d’employer une expression métaphorique, une comparaison impropre. Chaque peuple est un être collectif possédant sans doute des propriétés tant physiologico-psychologiques que politico-sociales particulières qui, en le