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humaine existence et conquiert en même temps sa liberté et son humanité. La religion tue en eux cette puissance productive, en leur faisant mépriser la vie terrestre, en vue d’une céleste béatitude, et en leur représentant le travail comme une malédiction ou comme un châtiment mérité, et le désœuvrement comme un divin privilège. — Elle tue en eux la justice, cette gardienne sévère de la fraternité et cette condition souveraine de la paix, en faisant toujours pencher la balance en faveur des plus forts, objets privilégiés de la sollicitude, de la grâce et de la bénédiction divines. Enfin elle tue en eux l’humanité, en la remplaçant dans leurs cœurs par la divine cruauté.

Toute religion est fondée sur le sang, car toutes, comme on sait, reposent essentiellement sur l’idée du sacrifice, c’est-à-dire sur l’immolation perpétuelle de l’humanité à l’inextinguible vengeance de la Divinité. Dans ce sanglant mystère, l’homme est toujours la victime, et le prêtre, homme aussi, mais homme privilégié par la grâce, est le divin bourreau. Cela nous explique pourquoi les prêtres de toutes les religions, les meilleurs, les plus humains, les plus doux, ont presque toujours dans le fond de leur cœur et sinon dans leur cœur, au moins dans leur esprit et dans leur imagination, — et on sait l’influence que l’un et l’autre exercent sur le cœur, — quelque chose