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propre image, mais agrandie et renversée, c’est-à-dire divinisée.

L’histoire des religions, celle de la grandeur et de la décadence des Dieux qui se sont succédé, n’est donc rien que l’histoire du développement de l’intelligence et de la conscience collective des hommes. À mesure qu’ils découvraient soit en eux, soit en dehors d’eux-mêmes, une force, une capacité, une qualité quelconques, ils l’attribuaient à leurs dieux, après l’avoir agrandie, élargie, outre toute mesure, comme font ordinairement les enfants, par un acte de fantaisie religieuse. De sorte que, grâce à cette modestie et à cette générosité des hommes, le ciel s’est enrichi des dépouilles de la terre, et par une conséquence naturelle, plus le ciel devenait riche, plus l’humanité devenait misérable. Une fois la divinité installée, elle fut naturellement proclamée la maîtresse, la source, la dispensatrice de toutes choses : le monde réel ne fut plus rien que par elle et l’homme, après l’avoir créée à son insu, s’agenouilla devant elle et se déclara sa créature, son esclave.

Le Christianisme est précisément la religion par excellence parce qu’il expose et manifeste la nature même et l’essence de toute religion, qui sont : l’appauvrissement, l’anéantissement et l’asservissement systématiques, absolus, de l’humanité au profit de la divinité, — principe suprême non seulement de toute