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délinquance juvénile, avait coûté une petite fortune (l’équivalent de 1 830 000 euros) vu l’ingéniosité déployée pour qu’il fût impossible de s’en échapper et pourtant des enfants courant les risques les plus inouïs réussirent de jour comme de nuit des évasions invraisemblables. Ils avaient de justes raisons de vouloir fuir l’avenir qu’on leur offrait : 80 % des jeunes se retrouvaient en prison presque immédiatement après leur sortie[1]. Devant un tel échec, Alain Peyrefitte, alors garde des Sceaux, mettait fin en 1979 à cette sinistre bourde.

Vouloir « protéger les jeunes d’eux-mêmes » est un aveu : en eux se tapit un ennemi à abattre. Qu’on ne me dise pas que les adultes ne haïront pas les plus rebelles. Car ils n’ont jamais supporté que les petits les défient ou les méprisent. Leur haine passera comme toujours par des vengeances aussi féroces que mesquines.

Le rebelle ne sera pas celui qui aura commis les délits les plus graves, mais le plus conscient qu’il a besoin de liberté pour exister. Comment pourrait-on éduquer un être privé de liberté ? « Il faut des systèmes de référence à ces enfants. Ils ont besoin qu’on leur impose des limites avant d’apprendre à les dépasser. On doit leur faire admettre qu’ils n’ont pas que des droits mais aussi des devoirs. » Les experts en bonne éducation pensent comme des huîtres et en restent à ce degré zéro de la pensée : respect de l’autorité, discipline, menaces et punition. Les adultes, couverts par l’administration, peuvent se permettre tous les abus de pouvoir en totale impunité, toutes les méchancetés. Ils sont du côté du Droit, de la Justice et de la Force. Ils ne voient même pas ce qui crève les yeux : l’obéissance à la loi, c’est ce que les jeunes connaissent le mieux ; dans les centres fermés comme déjà dans les centres de placement immédiat, ce sont les petits caïds qui la leur font intégrer.

Un enfant qui se structure dans l’enfermement n’aura d’autre repère que l’enfermement et de cesse que de retourner entre les

  1. 1 — Cf. l’étude réalisée en 1977 par Francis Baillaud, sociologue au CNRS.