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sécurité regroupant les détenus les plus dangereux et qui ressembleraient à des lieux tentant de contenir un troupeau de lions en cage. »

Les 13 200 nouvelles places seront occupées, c’est la loi d’appel du vide ; mais les prisons vétustes resteront aussi surchargées que misérables, comme on a pu l’observer après la construction de celles de Chalandon.

On a fait appel à des personnalités du business qui savent rentabiliser une affaire. Elle est juteuse. Car si l’État se garde les fonctions de surveillance et d’administration, c’est le privé qui assurera l’édification des bâtiments et l’intendance de la détention. Depuis la fin des années 80 où fut mis en place le « programme 13 000 » de Chalandon, c’est la Lyonnaise des Eaux-Dumez qui gère les trois quarts des nouveaux établissements pénitentiaires. Si elle en redemande, c’est qu’elle sait pouvoir en tirer un profit bien ventru. Pour les détenus, ce n’est pas plus mal et les conditions d’hygiène sont plus décentes, c’est incontestable, que dans ces prisons sordides où les pigeons fientent dans les couloirs, où les cafards courent entre les murs pourris d’humidité et les matelas parfaitement dégoûtants, le tout dans la puanteur propre aux hommes enfermés.

Cependant, à peine annonçait-on la construction des trente nouvelles prisons qu’on prenait soin six jours plus tard de nous avertir qu’il ne fallait pas rêver et qu’il n’était quand même pas question de prévoir un seul individu par cellule ni une douche quotidienne. Modernes mais pas trop.

Des sots du sérail sont émoustillés à l’idée que des cartes électroniques remplaceront les clés. Ce n’est pas par nostalgie que la plupart des détenus préfèrent les anciennes prisons et leurs « porte-clés » en uniforme. Car les grilles qui s’ouvrent et se ferment toutes seules, commandées par les ordinateurs d’un poste central où opèrent les surveillants cachés derrière des glaces sans tain, font de vous très vite des créatures perdues dans une machinerie glacée.