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— quelle que soit sa forme — pourrait le remplacer, sinon comment pourrait-il contrôler les éléments dangereux ? Donc pas de prison possible sans mitard, sans sanction dans la sanction, etc. »

La prison est inutile et dangereuse. Mais si elle doit disparaître c’est parce que nous qui sommes dehors ne pouvons tolérer que soit maintenue une forme de supplice (qui plus est infligée en notre nom). La prison n’est pas comme une torture, elle est une torture réelle : la goutte d’eau sur le crâne. Pas de blessure et pourtant une énervation qui rend fou, qui vous fait préférer mourir. La détention n’est pas devenue une torture par dévoiement de son sens ; son but intrinsèque en tant que peine est de faire souffrir les condamnés.

Comme la peine de mort, la peine de prison est irréversible, les années perdues le sont pour toujours.

Dans L’abolition[1] le professeur de droit pénal Christian-Nils Robert, de l’université de Genève, écrit : « On peut considérer que l’abolition de la peine de mort a conforté l’illusion de la force dissuasive de la prison, et retardé ainsi le calendrier de l’abolition de la prison elle-même.

« Beccaria en était conscient, lorsque précurseur, mais abolitionniste modéré, il plaidait ainsi pour la prison à vie (à mort) : “on m’objectera peut-être que la réclusion perpétuelle est aussi douloureuse que la mort et, par conséquent, tout aussi cruelle ; je répondrai qu’elle le sera peut-être davantage (…)”. C’est ainsi que fut sauvée la prison. C’est aussi sous cet angle qu’elle doit être critiquée. »

  1. Texte de conférence pour la célébration des vingt ans de l’abolition de la peine de mort publié dans Collectif Octobre 2001, Comment sanctionner le crime ?, Érès, 2002.