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barrette de shit vaut huit carnets de timbres ou trois boîtes de 200 grammes de café lyophilisé.


Ceux qui prônent la révolution et l’abolition du système capitaliste se penchent rarement sur le problème des ennemis de l’intérieur se réveillant à l’aube qui suivra le Grand Soir. Qu’en feront-ils s’ils ne les éliminent pas physiquement ? Les mettront-ils dans des cellules de rééducation ? C’est ce qu’on appelle à l’heure actuelle les prisons. Elles seront moins dures ? Les indigents auront eux aussi le droit de regarder la télé ? Et quand il y aura des coups et blessures, les plaintes seront reçues ? Non, cela ne nous suffit pas.

En attendant, nous pouvons réfléchir à plusieurs au fondement même de la prison, la punition. Et ne pas nous priver de lutter ponctuellement pour que la vie à l’intérieur soit moins avilie. D’autant que, comme nous le dit très bien ce texte de la rédaction (non signé) extrait de l’excellent livre Au pied du mur[1] : « Les attaques théoriques contre l’univers carcéral ne doivent pas ignorer les urgences constantes que sont ces liens, ces passerelles existantes, ou à faire exister, entre le « dehors » et le « dedans ». Ne serait-ce que parce que les liens ébrèchent tout simplement la solitude et l’isolement et constituent, de ce fait, une critique, certes insuffisante, mais très pratique de la séparation et donc de la prison. Et à y regarder de plus près, chaque fois que les prisons sont un peu moins invisibles, leur inanité n’en devient que plus évidente. À ce sujet, les sursauts soi-disant révolutionnaires de ceux qui qualifient de réformiste toute demande d’amélioration des conditions de détention sont souvent à côté de la plaque : chaque morceau enlevé à la prison est un pan de mur qui s’écroule. L’Administration pénitentiaire ne s’y trompe pas, elle. Par exemple, l’exigence de l’abolition du mitard contient en miroir celle de l’abolition de la taule tout entière : il n’est pas possible pour un directeur de prison de ne pas disposer d’un cachot, ou de ce qui

  1. op. cit.