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flammes, ces douleurs si vives qui vont durer des heures… Mais ce n’est rien, c’est la menace sous laquelle se déroule la vie quotidienne du détenu qui n’est faite que de petites et grandes terreurs, de souffrance sourde ou aiguë, toujours lancinante.

Il est vrai aussi que dans l’enfer des prisons, tous les pavés ont été taillés dans les bonnes intentions qui se transforment aussitôt par sorcellerie en raffinements de cruauté. Prenons par exemple, dans les centrales où sont rarissimes les permissions, la lutte de ces derniers temps pour le droit à ce que les détenus appellent déjà des « parloirs sexuels » (le garde des Sceaux a annoncé en 1999 la création des « unités de visite familiale ») : nous plaignons d’avance les compagnes qui « n’auraient pas envie », car ce sera la vache au taureau tel jour à telle heure. Les homosexuels auront-ils les mêmes droits que les autres ? Et ceux qui n’ont personne ? La prostitution, qui existe déjà[1], fleurira sous ses formes les plus pathétiques.

Autre exemple de pavé bien intentionné : le droit de « cantiner ». Il a été obtenu après les grandes émeutes de 1974 : on peut faire en prison des achats sur une liste et se procurer en particulier de quoi améliorer ses repas. Bien sûr ne sont susceptibles d’acheter quoi que ce soit que ceux qui ont de l’argent sur leur compte, car la monnaie ne circule pas, mais le commerce va bon train surtout grâce au troc, et donc seuls ceux qui ont obtenu un emploi, ce qui devient bien difficile, ou ceux qui reçoivent une aide pécuniaire de l’extérieur (des femmes au RMI se ruinent la santé pour envoyer 50 euros par mois à leur mari ; des proxénètes incarcérés en revanche parviennent à se débrouiller sans problèmes), ceux-là qui ont de l’argent peuvent le dépenser. Les gros bonnets disposant de revenus font la loi et la charité, les indigents s’achètent de mille manières, le racket comme le chantage s’amplifient, une

  1. Via les petites annonces, quelques-uns nouent des relations épistolaires avec des amies qui obtiennent l’autorisation de venir les visiter. Certaines même, éperdument amoureuses, épousent cet homme dont elles ne connaissent que les lettres enflammées et leur joie au parloir. D’autres se font « aider » financièrement avec pas mal d’effronterie et on en voit ainsi qui circulent de taule en taule, des professionnelles.