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Michel Foucault a été d’une superbe rigueur lorsqu’il a démontré que, depuis sa création, des esprits modernes cherchaient à penser une meilleure prison et qu’elle ne se maintenait, toujours aussi intolérable, que grâce à eux.

Que l’on comprenne bien ici notre propos : vouloir la suppression des prisons n’a rien de contradictoire avec le combat que mènent certains pour des adoucissements de la vie carcérale. Les biologistes qui luttent contre le cancer ne ricanent pas lorsque d’autres humblement se penchent sur le problème des nausées de la chimiothérapie.

Tout ce qui peut rendre la détention moins dégradante est bienvenu. Ceux qui estiment que ces bidons d’eau dans le désert risquent de calmer la colère des détenus et que seul le pire est porteur de rébellion sont des idéologues et des niais.

Il est vrai pourtant que les bien-pensants qui dénoncent dans les prisons « une zone de non-droit » et veulent y remédier ne semblent pas avoir compris que le droit, dehors comme dedans, est celui du plus fort : les gardiens n’ont pas le droit de frapper les détenus et cela se fait bien évidemment. Quant aux droits supposés élémentaires comme celui de se déplacer, de respirer l’air qu’on veut, d’avoir une vie affective et sexuelle, de jouir de la nature, de vivre avec ceux qu’on a choisis, ils sont par essence antagoniques à la séquestration des personnes. D’autres que moi tentent de faire entendre les cris des prisonniers aux anges que nous sommes et y parviennent ; je repense à cet épisode du livre de Véronique Vasseur où un homme enfermé un jour de canicule dans une cellule en béton surchauffée dont on ne peut ouvrir la fenêtre, asphyxié par les cigarettes qu’il fume de plus en plus nerveusement, ne peut plus tenir assis sur son matelas de mousse et tourne en rond comme un fou. On lui a promis depuis deux jours de le changer d’étage. Mais manifestement tout le monde s’en fiche. Il appelle en vain des heures pour se faire entendre puis « fait du tapage ». Les surveillants alors lui balancent le contenu d’une bombe lacrymogène, raconte le médecin, et referment la porte blindée. La brûlure des yeux, la suffocation, les poumons en