Les atteints de cancer ou de sida sont à l’infirmerie ou plus souvent dans un hôpital de la pénitentiaire comme Fresnes. La « grâce médicale », très rare, n’est accordée qu’au moment ultime. Mais on l’espère par-dessus tout. En vain, on s’en doute, d’autant qu’en novembre 2002, le garde des Sceaux annonçait dans sa magnanimité la création de deux mille places supplémentaires « aménagées pour les détenus en fin de vie ». Cela m’étonnerait que ce soit des cellules avec vue sur un arbre ; je pencherais pour l’hypothèse de cellules à sécurité très renforcée pour empêcher les suicides. À moins que l’on n’y enferme des condamnés à de « vraies » perpétuités de 40 à 60 années sans possibilité aucune de pouvoir un jour sortir ?
Quoi qu’en disent les philosophes et philosopheurs, ce n’est pas pareil de mourir seul dans l’indifférence hostile d’une prison et de mourir les yeux plongés dans un regard aimant.
Quand on condamne quelqu’un à la détention, on ravage en passant la vie de quelques innocents : les familles des prisonniers sont les victimes oubliées de la Justice. Quand on aborde ce sujet avec les défenseurs du système carcéral, on entend souvent que les familles, en fait, sont complices : « La femme d’un voleur se doute bien d’où vient l’argent. » C’est quelquefois vrai, mais les habitués des cours voient au contraire des femmes qui ont tout fait pour empêcher leur homme de continuer. Encore la supposée complicité est-elle envisageable dans les cas de vol, de recel ou de maltraitance, mais lorsqu’il y a meurtre (accident de la route ou bagarre ayant entraîné la mort) viol ou assassinat, la compagne, si elle n’a pas été tuée ou jugée pour complicité, est la première stupéfaite de l’événement.
C’est ainsi qu’on les entend à la porte des prisons quand elles font la queue pour les visites : « — Moi le mien il va pouvoir demander la condi[1] l’an prochain. — Et moi j’en ai encore pour quinze ans ! — Moi j’ai perpète. »
- ↑ La libération conditionnelle « si le détenu offre des gages sérieux de sa volonté de réinsertion ».