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Des médecins dans les hôpitaux s’agitent devant les hanches et les omoplates fracturées, les doigts retournés, les dents brisées, les détenus en état de choc. Mais « c’est la loi de la prison ».

Que fait pendant ce temps monsieur le Directeur ? Soit il couvre. Soit il démissionne. Selon les ministères, on peut monter dans la carrière en faisant l’un ou l’autre. Ceux qu’on voit à la télévision tiennent à leur image de « libéraux » et n’admettent pas ces pratiques « qui déshonorent la profession ». Cause toujours.


Il est vrai pourtant qu’il y a actuellement moins de violence de la part des surveillants qu’il y a vingt ans. Des sociologues l’attribuent à trois raisons : la crise de l’emploi a été malheureusement l’occasion pour des étudiants ayant un DEUG ou une maîtrise d’entrer dans la pénitentiaire « faute de mieux » ou « en attendant ». On osera dire que ceux-là n’ont pas la vocation, parfois même ils ne se syndiquent pas !

Deuxième raison : l’embauche des femmes. Il y a des surveillantes chez les hommes (comme il y a des surveillants chez les femmes, depuis bien plus longtemps) et ce fait nouveau, comme dans la police, est censé faire évoluer les mœurs vers moins de brutalité. Et ça marche ! Sauf quand ils sont sous l’emprise de l’alcool, les hommes n’aiment pas trop se montrer sous le jour de lâches qui, à dix contre un, attaquent un homme nu et ligoté.

La troisième raison, un peu plus ancienne, est la plus importante. La Justice lutte contre la drogue. Mais on drogue les prisonniers de manière éhontée. La camisole chimique arrange tout le monde et d’abord le détenu qui ne se rend plus compte de son malheur et se montre d’un calme crépusculaire. Anesthésié, il roule de jour en jour comme un ballot de coton. Pour les surveillants c’est un vrai bonheur. Jamais il n’élève le ton, il obéit comme une machine. Des médecins se sont inquiétés des doses inouïes de calmants, somnifères et sédatifs distribuées derrière les hauts murs, mais on leur a bien expliqué que sans ces « tranquillisants », une prison devenait une bombe.