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Vous êtes condamné à ne plus disposer de votre temps, de votre avenir, de vos projets.

Vous êtes condamné à ne manger qu’une nourriture autorisée ; une fois par an à Noël, sous certaines conditions, si vous avez de la famille, vous aurez le droit de faire entrer des denrées de l’extérieur.

Vous êtes condamné à tout attendre : le courrier, les visites qui se feront de plus en plus rares, l’audience demandée au directeur, la consultation à l’infirmerie, le transfert de la centrale en centre de détention, le jour lointain en fin de peine où vous pourrez espérer une permission, l’aléatoire libération conditionnelle, la sortie. Cette vie d’attente vous rongera.

Vous êtes condamné à ne plus faire l’amour, à être séparé de l’être que vous aimez.

Vous êtes condamné à vivre votre jeunesse dans la hargne, au milieu d’individus désespérés, irascibles, déséquilibrés qui n’ont goût à rien et vous décourageront avec obstination d’entreprendre quoi que ce soit.

Vous êtes condamné à vivre votre désastre sans la consolation de personne ; si vous sombrez dans la dépression, vous serez condamné à prendre des cachets jusqu’à ce qu’on obtienne de vous l’abrutissement voulu. Vous n’aurez aucun contrôle sur votre santé.

Vous êtes condamné à ne pas voir grandir vos enfants, à être déchu de vos droits parentaux.

Vous êtes condamné à être coupé de la nature ; votre ciel sera tendu de gros filins contre les rêves d’évasion par hélicoptère.

Vous êtes condamné à vivre sans surprise ni beauté une vie rigoureusement monotone. Vous êtes condamné à l’insignifiance de chacun de vos jours.

Vous êtes condamné à ne pas revoir votre mère ou votre père à ses derniers instants.

Vous êtes condamné à avoir peur de tous, des surveillants violents ou alcooliques, des délinquants pervers ou devenus forcenés. Cette peur vous rendra lâche. Vous en aurez honte.