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la peine de mort ; nous avons à balayer devant notre porte avant de jouer les pays civilisés.)

Le pouvoir de qui punit suppose, nous l’avons dit plus haut, d’abord qu’il soit le plus fort c’est-à-dire qu’il puisse compter sur ses muscles ou sur ceux de la force publique, à moins qu’il sache reconnue par l’autre la force purement symbolique de sa seule autorité. Ensuite, à tort ou à raison, le punisseur tire son pouvoir de l’assurance qu’il a d’être du bon côté, du côté de la loi, de l’ordre, du bon droit.

La punition peut être plus subtile que brutale et n’en être pas moins acerbe. Dans le train, il y a peu, je vois une mère moderne : elle ne gifle ni ne gronde son petit garçon énervé qui pleure. Elle ne lui dit même pas comme une béotienne qu’elle ne l’aime plus. Non, c’est une éducatrice de haute volée, elle se contente de ne plus le voir. Il n’existe plus. Elle reste imperturbablement plongée dans ses mots fléchés (je ne vaux pas mieux qu’elle puisque je ne vais pas consoler l’enfant en détresse).

Longtemps je fus en admiration devant la civilisation hindoue qui, pendant des siècles, refusa de punir les coupables. Le pire brigand et même le sacrilège ne risquaient qu’une seule chose : le rejet de sa caste. Il devenait alors paria. Il m’a fallu en apprendre un peu plus sur la vie des intouchables pour comprendre la férocité de pareil traitement.


L’esprit de vengeance est profondément inscrit dans l’humanité. Certains contes et légendes prêtent aux animaux ce sentiment pourtant spécifiquement humain. Dans le fameux cas des éléphants par exemple, peut-être les aléas de leur mémoire expliquent-ils une réaction soudaine de peur et de défense contre quelqu’un qui se rappelle à eux par un geste, une odeur, comme un danger.

Pour se venger il faut avoir une conception claire du temps des conjugaisons. Quelqu’un pense à un drame futur capable de le dédommager d’un drame passé. J’écris « penser. » Le mot est un