jour ; c’est évidemment vrai dans les quartiers ou les pays où l’on vit dans la précarité. Rousseau, dans le Contrat social justement, ne fuira pas cette question, comme Hobbes il répond que la délinquance est en effet comparable à la guerre et Rousseau d’ajouter que « le droit de la guerre est de tuer le vaincu ». Mais nous y reviendrons.
Fondé sur l’idée que l’intérêt personnel guide le monde, l’utilitarisme moral voudrait que l’intérêt de chaque individu coïncide avec l’intérêt général. Sont éliminés les mauvais en calcul. Inutile d’ajouter que c’est une théorie dont la cote est toujours stable.
Jeremy Bentham (1748-1832), disciple de Hobbes, est un joyeux maniaque : après s’être livré à une arithmétique savante sur la somme des plaisirs qu’on est amené à sacrifier pour échapper à la souffrance ou à une sanction pénale, il nous fait partager son rêve de la prison idéale (un cauchemar) et de la peine idéale : on ne doit pas punir si l’on pense que la sanction entraînera autant de maux ou plus que le délit, on voit qu’il était en avance sur son temps. Il était d’ailleurs opposé à la peine de mort et aussi à la torture… sauf dans certains cas. Pour les coups de verge, il imagine une machine cylindrique qui mettrait en mouvement des osiers ou des côtes de baleine pour fouetter le délinquant (suivent quelques mots où s’exprime son parfait mépris pour les bourreaux dont on a tout intérêt à se passer). Il ne manque pas de fantaisie : pour impressionner le public, il propose de faire imprimer sur le front des faux-monnayeurs des billets de banque, le voleur doit être dépouillé de tout, etc. Bref il s’agit de punir scientifiquement, c’est-à-dire juste assez pour intimider. Il est partisan de peines courtes mais très sévères et prévoit tout dans les moindres détails : « La nourriture, réduite au simple nécessaire, doit être rendue amère au goût pour opérer son effet pénal »[1]. Il est encore aujourd’hui très apprécié de nombreux éducateurs.
Les utilitaristes passent souvent pour des médiocres, des calculateurs aux pensées sordides et Bentham — cela ne surprendra
- ↑ Dans Traité des peines et des récompenses. Ce passage est évoqué par Michelle Perrot dans Les ombres de l’histoire, Flammarion, 2001.