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victime ou au délinquant. C’est la Société qui compte, c’est la Société qu’il faut défendre contre les asociaux.

Aristote (~ 384 — ~ 322) rompt avec le platonisme : on peut redresser un homme qui agit mal comme on dresse les animaux. La souffrance de la punition agit comme le fouet sur une bête. C’est une idée très répandue sous toutes les latitudes et à toutes les époques que l’on doit corriger un enfant : « Il s’en souviendra ! » ou « Ça lui apprendra. » On entend fréquemment ce discours chez les cadres de l’institution pénitentiaire à qui l’on demande à quoi peut servir un mois de prison. Ils répondent avec un bel ensemble (formation théorique commune ?) que la souffrance de l’incarcération est telle qu’elle peut provoquer chez le délinquant qui y entre pour la première fois un « choc salutaire ». Mais c’est aussi parce que « ça marche » sur les plus fragiles qu’une punition comme la prison peut au contraire devenir un défi à relever : « Les vrais durs n’ont pas peur de souffrir » proclament les vrais durs et les moins vrais. Effectivement, on ne parle plus du tout ici de morale : l’acte ne compte plus (n’existe plus que par ses effets ou contrecoups chez la victime) ; pour le délinquant, le salut, le seul salut, consiste à être assez malin pour échapper à la punition.

Cette vision utilitariste de la peine imprègne toute la société actuelle, des bandits armés ou en col blanc jusqu’aux enfants de la maternelle. Peu importe qu’il ne faille ni voler ni violenter autrui, le but unique est de ne pas se faire prendre. Il s’agit d’un jeu et, de l’escroc jusqu’au cambrioleur en passant par le proxénète et le maître chanteur, on entend couramment dans les parloirs des taules « J’ai joué, j’ai perdu » ou encore « La prochaine fois, je devrai jouer plus serré. »

Chez les penseurs et défenseurs d’une punition utile à la Société, on répugne à parler de jeu, mais on mise sur quelque chose qui y ressemble : le contrat social.

Pour Thomas Hobbes (1588-1679), l’homme a besoin de sécurité parce qu’il vit avec la peur de la mort. La loi le protège dans la mesure où elle émane d’une société acceptée de tous