Ces systèmes sont des colosses aux pieds d’argile. Les choses peuvent durer. Elles peuvent tout aussi bien disparaître. »[1]
Thomas Mathiesen, professeur de droit norvégien, militant pour l’abolition des prisons, raconte qu’en 1610 on brûla en Espagne, à Logrono, onze sorcières (dont certaines en effigie car étant déjà mortes sous les tortures) devant trente mille spectateurs enthousiastes et sûrs de la bonne justice de ces autodafés. Qu’on imagine cette foule ! Brûler vives ces épouses du Diable allait de soi. Ce fut une belle fête. Quatre ans plus tard, l’Espagne renonçait à cette barbarie et s’étonnait de l’avoir fait durer si longtemps.
Sous le palais du consensus, pendant des années, des penseurs, des juristes, et pourquoi pas quelques servantes, avaient avancé des arguments jusqu’à saper les fondements de l’édifice qui resplendissait encore de tous ses atroces feux juste avant sa disparition.
Je ne vivrai pourtant pas assez longtemps pour voir les prisons supprimées. Puissé-je du moins sentir que l’idée d’incarcération indigne de plus en plus profondément les êtres de bonne volonté.
- ↑ Interview de Louk Hulsman dans la série Au cœur de la prison, le châtiment, France Culture, 2 août 2002.