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doit obéir à la Loi, on doit punir qui la transgresse. C’est comme ça. Aucune explication n’est de mise : la Loi dit où est le Bien, elle vient de Dieu ou d’une Humanité qui est son sosie ou de la Nature. Le mauvais sujet reste sujet de la Loi qui agit comme mécaniquement : le châtiment se veut immanent à la faute. Dieu, la conscience morale individuelle ou universelle, c’est pareil : on est dans le sacré et on ne discute pas du sacré. Il faut expier, l’expiation n’a aucun sens, tant mieux elle ne doit pas en avoir. S’il y a erreur ? L’innocent sacrifié à tort sur l’autel de la Loi est une victime des aléas de la vie : il aurait pu être noyé dans une inondation, personne n’y peut rien. Dieu reconnaîtra les siens, si Dieu n’existe pas, toute autre abstraction peut faire l’affaire.

À ce discours de pierre répond celui des pragmatiques que nous appellerons sociétaire réaliste. Il suppose un droit naturel, qu’on aurait aussi bien fait d’appeler droit humain puisqu’il s’oppose dans sa conception au droit divin, il est naturel puisqu’il est censé prendre en considération la nature de l’homme tout imparfaite qu’elle soit et ses aspirations. Cependant il ne s’oppose pas autant qu’on pourrait le penser au discours qui considère la loi comme le pur objet d’un tabou. De nos jours la Loi est sacrée parce que la Société est sacrée. La Société est le Tout avec un grand T dont les individus ne sont que les parties, elle est l’Absolu. C’est l’échec de l’athéisme.

La Société repose sur l’adhésion (de gré ou de force) à des valeurs communes. Si on ne joue pas le jeu, la Société vous rejette, c’est-à-dire qu’elle vous tue ou vous bannit hors de la communauté (à l’étranger ou en prison). S’il s’agit d’une petite transgression, le bannissement peut être symbolique : mise au pilori (sous diverses variétés) ou emprisonnement court. La Justice se doit de punir pour rassurer, c’est-à-dire bien entendu pour intimider.

La Justice — et l’on insiste sur le fait qu’elle est rendue au nom de tous — doit en effet punir pour rassurer les « bons », les conforter dans l’idée que la Société les protège s’ils restent dans ses règles. Parce qu’on joue sur des symboles, on est dans la représentation,