avec le personnel pénitentiaire, surtout avec ses cadres mais pas seulement, pour obtenir tel privilège et c’était du donnant-donnant ; les transactions devenaient particulièrement sérieuses lorsqu’on jouait sa liberté face au juge d’application des peines.
Avec la nouvelle donne du PEP, le marchandage se fait au grand jour. Un des exemples cités par Thierry Pech est celui du détenu qui accepte de verser 12 ou 15 euros par mois pour payer ce qu’il doit aux parties civiles, le juge laisse clairement entendre que cela accélérera l’examen du dossier de libération conditionnelle. Autre exemple : accepter de rencontrer un psychiatre vaudra bien une petite permission. Pour le détenu, il s’agit de deals dit Thierry Pech. Parfaitement exact. Ils sont maintenant formalisés.
Dans le nouveau Code pénal, on parle de personnalisation de la peine et non plus d’individualisation, ce qui en dit long : l’individu évoque le noyau de quelqu’un, ce qui ne peut être brisé, l’indivisible, la personne c’est le masque de théâtre. Cette « individualisation des peines » supposait un suivi au cas par cas. On a changé d’époque. « L’individualisation de l’exécution pénale, grande promesse de la fin du XIXe siècle, écrit Thierry Pech, glisse insensiblement de la morale et de la clinique au marché. »
Avec l’individualisation des peines, déjà la justice ôtait son bandeau et se voulait équitable en choisissant d’être partiale : on exigeait peu de celui qui pouvait peu. C’était un risque et je ne jetterai certes pas la première pierre à ceux qui l’ont pris. Cependant s’est produit un phénomène auquel on pouvait s’attendre : sortent plus tôt ceux qui ont une bonne tête, qui savent argumenter, sourire, les moins mal élevés, ceux qui possèdent à l’extérieur un capital relationnel, bref les nantis. Après avoir bénéficié d’un meilleur avocat, d’amis pour les soutenir au long de leur calvaire, ils trouvent, grâce à leurs alliés, du travail et un logement, les deux conditions requises pour sortir en libération conditionnelle. Avoir l’intelligence d’abord, les moyens ensuite de se faire aider du dehors n’est pas à la portée du premier prisonnier venu. La plupart seraient bien incapables d’écrire seulement une lettre.