plus spontanée, c’est « qu’est-ce que c’est que ce purin ? » Ce n’est pas que j’aie voulu faire trop la délicate, mais enfin je n’ai pas tenu à te laisser barboter dans ce jus malsain. N’importe quelle mère comprendra ça !
Alors une question intéressante à se poser c’est pourquoi tout le monde joue le grand dadais, faisant semblant de ne pas savoir (tu les entends manifester « école laïque, école du peuple »… !… ?). Parce qu’il n’y a aucun doute, plus ou moins confusément, tout le monde sait que sélectionner signifie empêcher au maximum que le tout-venant puisse accéder à certains métiers.
Il n’y a qu’à voir la tête des gens quand j’ai « laissé passer » l’âge de ton entrée en sixième ! Ils n’ont pas besoin d’être très au fait des statistiques pour savoir que cette année-là, et cela bien entendu sans que tu entres, toi, en ligne de compte, tout se met en place selon un schéma préparé d’avance. D’avance parce que c’est bien avant la sixième (les chercheurs tombent d’accord sur le rôle essentiel du redoublement du cours préparatoire) que les traquenards ont permis d’éliminer le gros des troupes.
On te fait croire qu’il y a un jeu où tu peux gagner, mais tout, absolument tout, est pipé. C’est une sacrée crapulerie l’école ! Alors bien sûr, autour de nous, on s’est affolé : il ne fallait absolument pas laisser passer l’âge de l’entrée au collège.
Car selon Baudelot et Establet, l’âge atteint à la fin du cours moyen deuxième année est déterminant dans l’orientation des enfants dans les différentes sixièmes. Du temps de cette étude, on entrait en sixième classique à 11 ans 0 mois 3 semaines en moyenne et en sixième de transition à 12 ans 3 mois ; les âges intermédiaires se situant dans les sixièmes modernes. (Aujourd’hui où, en principe, il n’y a plus qu’une classe unique à l’entrée au C.E.S., on sait bien comment les responsables d’établissement contournent les directives officielles en créant des sixièmes « faibles », « fortes », etc.)
Les redoublements dans le primaire entraînent donc des conséquences extrêmement importantes. Et je peux même comprendre cet affolement de ceux qui te voulaient en sixième à 11 ans lorsqu’ils lisent que sont envoyés en sixième de transition (c’est-à-dire dans les classes poubelles) « 0,2 % des enfants entrant en sixième à dix ans, 1,1 % des enfants
1974 », service des études informatiques et statistiques, ministère de l’Éducation nationale, 1981.