Un beau matin de printemps tout léger, tout bleu, comme les hirondelles revenues volaient avec des cris joyeux, Chat-Sauvage ne put y tenir ; il remercia Bonne-Poulette désolée, lui dit : « Au revoir ! » et retourna dans les bois pour y chasser.
Dame Poulette, de nouveau, s’ennuya jusqu’à ce que Chat-Sauvage revienne un soir de tempête ; il était épuisé, mouillé, crotté, affamé car il avait passé toute la semaine dans les bois, sans attraper le moindre gibier.
Oui ! dans quel état il était ! Ses poils emmêlés et pleins de boue, ses bottes déchirées et trempées, sa queue basse et presque sans poils… Lorsqu’il eut traversé la cuisine, avant de se laisser tomber dans le fauteuil près du feu, on aurait pu croire que la tempête était entrée avec lui dans la maison : feuilles mortes, brindilles, tas de boue et flaques d’eau…
Bonne-Poulette fit semblant de ne rien voir ; vite elle attisa le feu, mit le café à chauffer, prépara confitures et tartines, balaya, essuya, toute contente de voir son Chat revenu.
Il resta une bonne semaine dans la maison, se laissa soigner et dorloter, mais quand le temps fut redevenu beau, il quitta de nouveau Bonne-Poulette et retourna dans les bois pour y chasser.
Et dix fois, vingt fois, il revint puis repartit. Bonne-Poulette en avait grand-peine et bien du travail, quand il arrivait sale et crotté, à demi malade et fatigué ; Chat-Sauvage le savait mais c’était plus fort que lui ; il aimait la maison claire et sa gentille amie, mais il aimait encore plus la forêt, la chasse, le danger, la vie sauvage.
Pourtant, chaque fois, il restait un peu plus longtemps chez Bonne-Poulette, tant elle le gâtait, tant on était bien près du feu pétillant, tant étaient bons le café, les petits plats et les confitures…
Et les mois passaient et Chat-Sauvage se faisait fatigué, plus vieux, si bien qu’un beau jour, il ne partit plus.
Bonne-Poulette en fut joliment contente !
Et tout doucement, Chat-Sauvage devint plus doux, plus soigneux, plus patient : il ne renversait plus d’eau par terre, ne crottait plus ses bottes, s’essuyait les pattes sur le paillasson, n’arrachait plus les boutons de ses habits, ne perdait plus ses chaussettes sous le lit, ne claquait plus les portes pour les refermer.