ne savent bientôt plus que passer sous la toise. » Il parlait là des examens et c’est moi qui étends sa formule à tous les examens. Avec l’entrée des « psy » à l’école, on a l’incontestable preuve, s’il en était besoin, que l’école juge et sanctionne. Le judiciaire et le scolaire sont mariés pour longtemps. Philippe Meyer a écrit un livre dont le contenu est à la hauteur du titre : L’Enfant et la raison d’État[1]. Il n’y parle pas de l’école mais du contrôle social, qui relève de la même normalisation. Il est d’ailleurs bien facile de se rendre compte qu’en temps de « vacances » la police prend le relais des « surveillants ».
« Tout mouvement incontrôlé est corollairement proclamé suspect », dit Meyer qui en donne d’abord cette illustration : un pionnier de l’introduction des sciences humaines dans la pratique judiciaire, le juge Chazal, s’inquiète qu’à l’été 1960, « pour trois millions de jeunes urbains de quatorze à dix-huit ans, 1 074 000 mois de vacances [se soient] déroulés sous le contrôle effectif de la famille ou d’organismes sociaux, contre 4 349 000 mois de vacances exempts de tout contrôle, qu’il soit social ou familial[2]. »
Et plus loin, il ajoute qu’à la même époque, le président des Équipes d’action, Jean Scelles, donnait à la revue Rééducation un petit manuel de bonne conduite à l’usage des automobilistes sollicités par des auto-stoppeurs dans lequel on pouvait lire : « Une mise en garde par voie de presse contre l’admission des mineurs dans les voitures privées et camions est nécessaire, car l’usage de l’automobile est général, et les mineurs (garçon ou fille) l’emploient habituellement dans les fugues très nombreuses pour échapper à leur famille ou aux maisons de rééducation. Lorsqu’un mineur (garçon ou fille) fait de l’auto-stop, il est utile de lui demander son identité de façon précise (production de la carte d’identité) et de le signaler à la gendarmerie. Car il faut aider les familles de disparus[3]. »
De la « coopération » demandée aux familles jusqu’à la délation, il n’y a qu’une suite logique voulue par le contrôle de l’État.
Parmi mes amis taulards, j’ai souvent été frappée d’entendre : « On nous traite en prison pire qu’à l’école ! » Il s’agit bien de normaliser et de faire rentrer dans le rang. L’enfant et le délinquant « font des bêtises », l’un et l’autre « doivent être l’objet d’une surveillance constante », il faut