découper du sparadrap, de donner la main et de dire « couvre-toi bien ». Et puis elles hurlent si leur enfant meurt et tout le monde comprend qu’une mère hurle si son enfant meurt. C’est naturel ou culturel, mais en tout cas c’est « dans la norme ».
Louées soient les mères qui n’aiment pas leurs enfants, car elles sont singulières. Louées soient celles qui les aiment, car elles sont singulières.
De toute façon, celles qui n’aiment pas comme celles qui aiment sont a-normales. Mais que ne le clamons-nous pas ?
Les mères sont en général des femmes. On l’oublie. Cela veut dire que souvent elles craignent de mal maîtriser une parole qu’elles comparent, avec un sentiment d’infériorité, au discours qu’on tient sur elles. Ce discours savant, celui des psychologues, des sociologues et des universitaires, qu’il soit ou non adopté par quelques intellectuelles, ne tient pas compte de l’histoire incroyable qui leur est arrivée à chacune : elles auront vécu quelques années avec quelqu’un d’unique au monde, qui les aura d’emblée considérées comme uniques au monde, attendant les premières semaines pratiquement tout d’elles et d’elles seules. On n’a qu’une mère, c’est aussi simple que ça. Bonne ou mauvaise, vivante ou morte, notre mère a été la première autre, la première séparée. Elle a été notre première faim.
Et nous avons connu beaucoup d’autres faims. Nous les reportons entre autres sur nos propres enfants. Ou sur ceux qu’on n’a pas.
La plupart des pédérastes établissent une rivalité entre eux et les mères. Elles, elles auraient tous les droits. Péché d’envie tout à fait compréhensible ; il est vrai qu’à peu près n’importe quelle femme peut se permettre de sourire ou d’adresser la parole à un enfant qu’elle ne connaît pas ; pareille sollicitude de la part d’un homme est « mal vue ». De leur côté, les poules considèrent qu’il faut être un renard pour aimer leurs poussins. « La pédophilie, c’est un truc de mecs parce que c’est restrictif par rapport au corps », dit Leïla Sebbar[1]. Certes beaucoup de pédérastes sont obnubilés par l’acte sexuel. Tout simplement au même titre que beaucoup de non-pédérastes. On peut regretter d’être dans une civilisation où l’amour en sa sexualité est très souvent « restrictif par rapport au corps ». Mais il y a des exceptions. Par ailleurs, je suis d’accord avec Jean-Pierre K. disant que c’est un peu trop facile pour les mères (hommes ou femmes) d’affirmer que la sexualité des enfants serait justement non génitale. Les mômes ne font pas l’amour comme
- ↑ Le Pédophile et la maman, Leïla Sebbar, Stock, 1980.