du mal à « généraliser ». Mais je tiens à montrer que, bon an mal an, une cohérence traverse les âges et les pays dès qu’on s’est opposé à l’école obligatoire, c’est-à-dire depuis sa création. Impossible d’envisager une anti-école sans vivre différemment l’amour avec les enfants.
Schmid, qui « dénonce » dans Les Maîtres-Camarades et la pédagogie libertaire ce qu’il considère comme une grave erreur et qui réussit à nous rendre proches et sympathiques ceux-là qu’il méprise, écrit en 1936 des phrases qu’on jurerait avoir lues dans les journaux de 1974 à 1984. Ayant renoncé à toute autorité, écrit-il en substance, il fallait au « maître-camarade » faire valoir autrement son influence afin de réaliser ses buts (Schmid et tous les Schmid de notre époque ne peuvent, eux, concevoir la relation qu’utilitariste) et pour cela passer par l’amour.
Alors, sans scrupules excessifs, il amalgame les uns et les autres (reconnaissant cependant que les concernés, à Hambourg, avaient longuement discuté entre eux de ce thème et que les avis pouvaient être différents) ; il rappelle que Wyneken, l’un des fondateurs de ces anti-écoles, avait été condamné en 1921 à une année de prison pour des délits sexuels commis contre deux de ses élèves. On sait pourtant que les témoignages ont été fort douteux et que Wyneken, sans jamais renier ses options personnelles, a toujours affirmé sa totale innocence dans cette affaire. Mais il était nécessaire à Schmid d’en appeler aux procédures, faute d’une vision claire de ce qui pouvait réellement se passer entre grands et petits dans ces lieux. Il s’insurge particulièrement contre l’un de ces professeurs contestataires, Kurt Zeidler, qui affirme en effet en 1919 que l’amour des enfants ne saurait être cet amour bienveillant et désintéressé que les pédagogues ont toujours exalté « qui aime l’enfant dans ses bonnes qualités et dans une image idéale qu’on se fait de lui et vers laquelle on le contraint d’aller et de se développer », mais qu’il est un attachement fort et intime entre le maître et l’élève.
Rien en fait de très nouveau chez Zeidler qui préconise un amour tendre mais « pur et spirituel », platonique. La pédérastie spartiate importée à Athènes n’avait d’adeptes que dans la frange aristocratique de la société, frange dont était issu Platon. Le commun des Grecs n’a jamais caché son hostilité à ces mœurs, d’ailleurs très codifiées. Platon fait de Socrate un homme qui se plaît en compagnie des beaux jeunes gens ; Xénophon, également disciple de Socrate, n’hésite pas à dire dans son Banquet à lui que Platon « calomnie » son maître. Jamais il n’est allé de soi, à Athènes, que la pédagogie passe par l’amour sexuel, si « spiritualisé » soit-il.