ceux qu’elle semble privilégier. Il parle des énarques, des polytechniciens, de ceux qui sont l’« orgueil de la nation » : ils jouissent de belles carrières, de fins de mois confortables et, pour certains, d’une participation aux organes de pouvoir, « mais ces satisfactions sont, pour la plupart d’entre eux, compensées par un engourdissement intellectuel […], ils ne participent guère au mouvement des idées ; tout au plus peuvent-ils, par leur inertie bureaucratique, s’opposer à ce mouvement. Leur classement prématuré et absurdement définitif dans la catégorie intitulée “élite” a fait d’eux, humainement, des victimes[1] ». Il est mieux placé que moi pour le dire, n’est-ce pas ?
En France, 14 % des recrues ne savent pas lire, aux États-Unis 20 %[2]. Plus personne ne l’ignore ; un colloque de l’Unesco consacré aux « contenus éducatifs d’ici l’an 2000 » se tenait en juillet 1980. En soixante-huit points, les experts et fonctionnaires internationaux ont constaté tout d’abord que l’école était en perte de vitesse tout autour de la planète. Et de se plaindre de la prise en charge par les grands moyens d’information d’une « éducation informelle, sauvagement distribuée ». Le colloque s’est inquiété de l’inadaptation croissante de l’école « aux nécessités de l’économie mondiale » (encore !) et a insisté sur la nécessité de former les enfants du monde à l’informatique, notamment sous toutes ses formes télématiques, voies désormais souveraines de la communication. Le Français Pierre Schaeffer eut beau relever le danger de transformer les gens en « infirmes dépendant de prothèses informatiques », il ne fut pas suivi et l’ensemble des experts a entonné derechef l’hymne à la nécessité d’une « éducation permanente ».
On va donc vers un enseignement plus utilitariste que jamais pour le bien de tous. Et chacun de nous là-dedans ? En quoi me concerne le bien de tous si c’est un mal pour moi ?
Toujours on nous a demandé de sacrifier nos enfants sur les autels. Les avatars des dieux sont multiples, Yahvé, les vents de Neptune, la Patrie, l’Honneur, la Société. Quand je parle de sacrifice, je veux parler de sang et de chair. J’exagère ? Aux yeux des lecteurs de cet ouvrage, je passe pour une mère que l’amour ou l’égoïsme égare. Alors, une fois de plus, goguenarde, je m’efface derrière ceux que l’école leur a appris à écouter, les savants, les professeurs. En juillet 1981, M. Guy Vermeil (chef d’un service de pédiatrie) et M. Jacques Lévine (docteur en psychologie) ont