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de même, celui qui aurait dans son ascendance les plus affreux gredins, deviendra au contraire un honnête homme, si on le confie assez tôt aux soins d’un maître habile et dévoué. C’est là une règle qui ne souffre pas d’exceptions, et que tous les vrais pédagogues sont prêts à confirmer.

Mais, voici venir l’objection classique des deux frères qui ne se ressemblent pas. L’un est doux, l’autre est méchant ; cruelle énigme ! disent les ignorants, vous n’empêcherez jamais cela.

D’abord, il n’est pas vrai, le plus souvent, que ces deux frères ont reçu dans leur famille la même éducation. Qui ne sait que dans bien de ménages les enfants sont loin d’être l’objet d’une égale sollicitude ? Celui-ci a l’affection du père, celui-là celle de la mère ; l’un bénéficie de toutes les caresses, l’autre est en butte à toutes les brutalités. Quelquefois le premier est le bienvenu, le chéri, l’enfant gâté, à qui l’on souffre tout ; l’autre apparaît, sinon comme un intrus, du moins comme une charge, et on le rudoie et on le néglige, jusqu’à se désintéresser presque complètement de lui.

Mais, quand il serait vrai que l’éducation de la famille eût été exactement la même pour tous les deux, les influences qu’ils reçoivent du dehors sont rarement les mêmes ; ils ne voient pas toujours les mêmes choses ; il ne jouent pas les mêmes jeux, ils n’ont pas les mêmes fréquentations ; quelquefois ils n’ont pas les mêmes maîtres à l’école, et tout cela suffit à différencier profondément leurs caractères.

Mais, dira-t-on, si l’éducation a le pouvoir d’égaliser les caractères, cela n’empêche pas que des individus, qui n’ont pas la même intelligence, ne puissent jamais devenir égaux. Voyons ce que c’est que l’intelligence ? Être intelligent, c’est connaître, c’est sentir vivement les différentes qualités des choses, c’est les combiner, les séparer, les étendre, les restreindre, les comparer et en déterminer les rapports. D’une façon plus générale, c’est comprendre ses vrais intérêts, c’est sacrifier une satisfaction présente pour un avantage réel dans l’avenir ; c’est tendre à notre fin sociale.

On ne naît pas intelligent, on le devient par l’éducation des sens et par l’instruction : tout individu qui a le cerveau bien conformé, qui a le corps sain et qui n’a pas eu d’accidents fâcheux, s’il est cultivé, le deviendra nécessairement. Sans doute, en raison des