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chines merveilleuses qui remplacent nos bras et les centuplent ; nous avons forcé le sol le plus aride à devenir fécond ; nous avons rapproché les distances, percé des montagnes, comblé des vallées, en un mot nous avons vaincu la nature. Avec les richesses immenses dont nous disposons, nous pourrions être tous heureux, car la terre produit du bonheur pour tout le monde. Eh bien ! un obstacle s’oppose à la félicité universelle, cet obstacle que nous ne pouvons vaincre et qui nous fait perdre le bénéfice d’un siècle de progrès, c’est le cœur de l’homme ou plutôt c’est l’égoïsme de la Bourgeoisie (1).

Le bourgeois est le plus féroce des animaux. Au moins le tigre, le loup, le chacal, l’hyène, une fois repus cessent de poursuivre les autres bêtes ou de leur disputer leur proie. Le bourgeois, lui, ne se contente pas de satisfaire à tous ses appétits, il lui faut le superflu ; pis que cela, il veut, il exige que des milliers de ses semblables soient privés du nécessaire : il jouit de la souffrance d’autrui. Certes il a droit au bonheur comme les autres, mais il n’a pas le droit de nous faire souffrir. Notre grand grief contre lui ne part point d’un sentiment de jalousie : ce que nous lui reprochons ce n’est pas d’être heureux, c’est de nous empêcher de l’être.

La Noblesse féodale tint, durant des siècles, il est vrai, l’humanité dans la plus abjecte des servitudes, dans la plus déprimante des misères ; mais elle ne pouvait pas assurer le bien-être de tous, le progrès de la Science et de l’industrie ne le lui permettait pas. La Bourgeoisie n’a pas cette excuse, ce que la Noblesse n’a pu faire, elle peut