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seul principe, une substance unique, dont tous les êtres ne sont que les manifestations ou les modes. » « Le monde est régi par des lois invariables, affirme Kant, une cause libre serait une dérogation à l’ordre général ; elle échapperait au fil conducteur de ces lois et y causerait l’anarchie. » Assez d’arguments contre la liberté : il nous suffira de dire qu’elle est un dogme, le raisonnement étant impuissant à en donner l’idée à ceux qui ne la trouvent pas au fond de leur conscience.

Les théories scientifiques de Darwin et de Haeckel ne laissent rien subsister de ce postulat grossier. L’esprit n’est pas distinct de la matière, il en est la résultante, il est un avec elle. L’âme, c’est le mouvement du corps, et ce mouvement est déterminé par des besoins matériels, des influences de climat ou de milieu. L’homme qui a faim vole plutôt que de mourir d’inanition. Et ne croyez pas qu’il accomplisse cet acte de son plein gré : souvent il lutte contre son éducation, contre son hérédité ; mais il ne lui est pas possible de faire autrement, contraint qu’il est d’obéir à l’inflexible loi du ventre.

Nous ne nous élevons pas seulement contre le libre arbitre individuel, nous nions aussi le libre arbitre des groupes. Le tout ne peut être supérieur à la somme des parties. La collectivité comme l’individu subit l’action des phénomènes cosmiques et de certains courants d’idées qu’elle ne peut enrayer. La France, par exemple, s’est trouvée, en 1870, à la suite d’un concours de circonstances imprévues, dans la nécessité de déclarer la guerre à la Prusse. La situation économique, la conséquence des derniers faits de