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formule vers laquelle tendent toutes les littératures. De nombreux écrivains l’ont déjà compris et toute une légion de poètes latents est prête à affirmer avec eux l’existence de l’école socialiste ».

Mais si le succès du socialisme semble assuré pour l’avenir, on ne peut pas dire que cela soit vrai pour l’heure présente. Cette école littéraire n’a pas toute l’homogénéité désirable ; elle en est encore à la période de formation.

Le Décadisme est mort et enterré : Le Décadent est un homme tellement parfait qu’il n’y en a plus. Presque personne aujourd’hui ne se réclame de cette école que le ridicule parait avoir tuée. Il n’y a guère que Verlaine qui ne l’abandonne pas. Il est vrai qu’il est aussi le seul qui ait retiré quelque profit du mouvement décadent, non point en numéraire, mais en considération et en prestige. Il peut maintenant entrer à l’hôpital presque toutes les fois qu’il en a besoin. Il lui est même arrivé d’y faire admettre Cholin et Gazais sur sa recommandation. Autrefois des pleurnichards comme Malfilâtre, Gilbert, Hégésippe Moreau, se croyaient déshonorés, perdus en entrant dans un établissement de l’Assistance publique ; ils y rimaient des jérémiades que les journaux communiquaient pieusement au public. Aujourd’hui l’hôpital est devenu l’idéal de la vie des poètes. C’est une sorte de paradis où l’on n’est admis qu’à la faveur de certaine notoriété, et où l’on se garde bien de gémir sur son sort dans la crainte d’être renvoyé. Verlaine, qui est parvenu à avoir ses entrées dans la plupart de ceux de Paris, n’a jamais eu de plus fortes explosions de lyrisme que dans ses vers datés de Broussais, Saint-Antoine ou Lariboisière.