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lité bourgeoise où la vertu triomphe et qui n’a pas même le mérite d’être conforme à la vérité. Qui ne sait, au contraire, qu’actuellement c’est le vice, l’usure, la débauche qui tiennent le haut du pavé, tandis que la probité, l’honneur pataugent dans la boue des ruisseaux ?


Le Magnificisme


Frappés de ces incohérences et humiliés par cet échec, la plupart des poètes n’osèrent plus s’avouer symbolistes. MM. Saint-Pol Roux, Jules Méry, Albert Aurier n’hésitèrent pas à fonder le Magnificisme, sorte de romantisme littéraire et mystique, négateur de la Science, plus rétrograde que l’autre. M. Saint-Pol Roux s’est fait le porteplume de cette idée qui végétait au fond de son cerveau depuis plusieurs années et qui n’a pu lui être suggérée que par la lecture des poésies liturgiques de Laurent Tailhade ou de Raoul Pascalis. Grâce à une interview de M. Huret dans l’Écho de Paris, il lui a donné l’apparence de vitalité qui lui manquait et le voilà à son tour chef incontesté d’une nouvelle école.

J’ai voulu connaître l’essence de cette littérature, en déterminer la caractéristique. Pour cela j’ai fréquenté assidûment pendant quelques semaines le café où se rendent les poètes « magnifiques ». Leur esthétique, qui n’est pas encore sortie de la tradition orale, consiste, m’ont-ils dit, à magnifier les êtres comme