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« Dans ses heures de loisir il rime ces vers d’une harmonie si moderne qu’il a recueillis en deux recueils intitulés le Signe et les Chairs profanes. Doué d’une rare puissance d’imitation, il pastiche quand il veut, avec succès, les écrivains les plus différents, les plus personnels. Jusqu’où va la souplesse de son talent ! il imite Sarcey que l’absence de toute caractéristique rend presque inimitable. Un jour il s’avisa, pour rire, de signer un article du nom de ce fameux chroniquant. Sarcey n’y connut absolument rien et il est possible qu’il ne s’en serait jamais aperçu, s’il n’eût, à cette occasion, reçu quelques lettres élogieuses. Comme il n’était pas accoutumé à ces témoignages d’admiration de la part de ses contemporains, il conclut à une contrefaçon et s’empressa de prévenir le public de la fumisterie dans le XIXe Siècle. »


Je n’ai rien à changer à ces lignes. Quoique Raynaud ait abandonné l’École décadente, il n’est point pour cela devenu mon ennemi ; c’est donc en toute impartialité que je peux parler de lui.

Depuis le Signe et les Chairs profanes, il a publié les Cornes du Faune, œuvre que je n’hésite point à proclamer supérieure à la plupart des insipides volumes de vers qui s’impriment aujourd’hui. Mais dans sa pensée, ce livre était un manifeste destiné à lui rallier les poètes qu’effrayaient déjà les tendances ultra-symbolistes de Moréas. Il avait prévu l’effondrement prochain du Symbolisme et caressait l’espoir de grouper autour de lui les modérés, de devenir leur chef. Je pourrais citer des poètes qu’il avait pressentis à ce sujet. Jusqu’au banquet du Pèlerin passionné il quémandait les adhésions et il était bien près de constituer un nou-