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vibrante et sonore où l’on sent passer comme des frissons de vie. Ils ont supprimé tout le verbiage des vieilles littératures au profit de la Sensation et de l’Idée : leurs livres sont des quintessences. Être décadent, c’est être scientifique, c’est pratiquer dès aujourd’hui cette philosophie du vingtième siècle qui est basée sur l’égoïsme social ; c’est faire table rase de tous les préjugés, en un mot c’est accepter tous les progrès de la civilisation.

« Symbolisme, en dehors de sa signification étymologique, désigne un groupe d’écrivains qui suivent les traces des Décadents. Mais les Symbolistes n’ont rien apporté de neuf, ils se servent des idées de leurs devanciers pour les tronquer : ce sont des pseudo-décadents. Par une sorte d’hérédité romantique ils affichent des airs d’excentricité et manifestent leur goût pour les innovations ; dans le fond, ils sont pourris de la banalité de notre époque. Pour eux le Symbolisme n’est qu’un tremplin ; dès qu’ils écriront dans un grand journal, ils feront mieux que personne de la prose anonyme. Ce qu’ils veulent c’est la notoriété ; tapageurs, avides de réclame, ils n’ont jamais vu dans la littérature qu’un moyen de parvenir. Impuissants à créer, ils ont cherché à accaparer l’œuvre des Décadents : ce sont les parasites d’une idée.

« Il n’y aura donc plus à s’y tromper : les Décadents sont une chose, les symbolistes sont l’ombre de cette chose ; les premiers sont pour le progrès, avec l’avenir, les seconds voudraient rétrograder jusqu’au moyen-âge, ils vivent avec le passé. Les uns et les autres critiquent Sarcey : les Décadents, parce qu’ils le trouvent mauvais ; les Symbolistes parce qu’ils voudraient prendre sa place. »