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les deux. Puis, il se met à rire et dit à Colle-des-Cœurs :

— Peut-être trouverai-je le moyen de payer notre dette, mon enfant. Laisse-moi essayer.

Il prend la main de Colle-des-Cœurs, il prend celle de Peur-de-Rien. Il met les deux mains l’une dans l’autre, puis il leur dit :

— N’est-ce pas ça, mes enfants ? N’est-ce pas un bon moyen d’arranger les choses ? Dites.

Colle-des-Cœurs, cette fois, devient rouge comme une mangue figet mûre ; elle entoure de ses bras le cou de son père et cache son visage dans le jabot de sa chemise en murmurant quelques mots, mais si bas, si bas, que personne ne put rien entendre. Mais Peur-de-Rien pousse un hip ! hip ! hurrah ! « Si fait va, papa, vous êtes un malin, vous ! »

Le mariage est décidé. Peur-de-Rien est pressé. On met un régiment de couturières à l’ouvrage : elles cousent des robes, des chemises, des peignoirs, des casavecks, des draps de lit, des taies d’oreillers, des serviettes pour la figure, pour les pieds, pour les mains, des vêtements de bain, bref, tout un trousseau. Peur-de-Rien est sans cesse sur le dos des ouvrières : « Mais travaillez donc, les enfants ! Travaillez donc ! Assez tirer sur le soleil ! Ce n’est pas sur le soleil qu’il faut tirer ; c’est sur votre aiguille ! »