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— Tu sais les conditions : si l’eau est trouble, je te coupe le cou.

— Oui, mon roi, je sais les conditions, et comme la viande de tortue est bonne à manger, vous pourrez faire de moi un cari. Mais je ne crois pas que vous ayez chance de me goûter cette fois-ci : mieux vaut dire à votre cuisinier de plumer une mère poule.

— Bon, ma commère, nous verrons demain matin. Entre en place ce soir.

La tortue sort. Elle va chez une amie et fait bien enduire de goudron toute son écaille. Au coucher du soleil elle arrive au bord du bassin. Elle se tapit dans le sentier où doit passer le lièvre, et elle attend.

Tac, tac, tac, le lièvre vient. Le lièvre voit cet objet noirâtre au milieu du chemin, il s’arrête et regarde. La tortue a rentré sa tête sous son écaille : rien ne bouge. Tac, tac, tac, le lièvre approche avec précaution : rien ne bouge. Il reste là un bon moment, immobile ; la tortue ne remue pas plus qu’une pierre. Le lièvre médite. Il tourne autour, regarde : rien ne bouge. Cette fois les battements de son cœur se calment. Il n’a plus peur et dit :

— C’est bien une roche, donc ! j’en suis sûr maintenant. Hé vous autres ! c’est un brave homme que ce roi-là. Voici un petit banc qu’il