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Pauline regarde le mendiant. Elle vient à lui et l’embrassant : « C’est toi, Paulin ! c’est toi, mon frère ! »

On lui fait raconter en deux mots son histoire, pour ne pas laisser refroidir la soupe.

Lida l’avait empoisonné pour le faire mourir, parce que cette peste en avait assez d’un mari ; c’est là ce qui lui avait bistourné la figure. Mais un jour que Lida avait eu avec quelqu’un une violente dispute, elle avait ramassé un énorme coup de bâton sur le haut de la tête, et elle était tombée raide morte. Paulin avait été forcé de s’enfuir, dans la crainte qu’on ne l’accusât d’avoir tué sa femme. « Aïa ! c’est le bâton qui l’a tuée ! »

« Dînons, mon frère ! tu demeureras avec nous, ne t’inquiète plus de rien. »

Au moment où je veux m’asseoir à table avec eux, on retire ma chaise de derrière moi ; je tombe, je roule, je roule, et ne m’arrête qu’ici pour vous raconter cette histoire.[1]


  1. Est-ce un conte noir ? Est-ce du Lindor, le Lindor de « septe cousins av septe cousines » ? (no XVII). L’histoire part et arrive ; une main sûre la dirige sans la laisser dévier jamais. Il y a là-dedans un savoir-faire auquel le bonhomme ne nous a pas habitués. Et ses personnages sont vivants, et ses épisodes sont liés, et, chose grave, notre version française nous semble par exception à peine inférieure à la créole. Le conte de Paulin avec Pauline fait avec tous les autres un contraste qui n’échappera pas au lecteur.