Page:Baissac - Le Folk-lore de l’Île-Maurice, 1888.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils étaient envieux. Mais, joie ou chagrin, il n’importait : il fallait obéir.

Lieutenant était furieux. Il connaissait trop le cœur de son maître pour le croire capable d’avoir pu donner un tel ordre. Jamais ! Mais Lieutenant était un chien, et les chiens ne parlent pas. Il eut beau japper, cette fois on refusa de l’écouter.

On arrache Pauline de son lit, on attache sur elle ses deux enfants, comme la lettre le commande, on la conduit sur la grande route, on la chasse ; Lieutenant refuse de quitter Pauline et la suit.

Ils marchent, ils marchent. La pauvre malheureuse Pauline pleure, Lieutenant ne dit rien.

Ils arrivèrent dans une forêt ; Lieutenant allait devant pour montrer le chemin. Comme ils passaient au bord d’une petite rivière, Pauline eut soif ; elle se mit à genoux pour atteindre l’eau avec sa bouche, car elle ne pouvait, hélas ! boire dans le creux de ses mains. Tandis qu’elle se penche pour toucher l’eau de ses lèvres, l’enfant attaché sur son dos s’échappe et tombe dans l’eau la tête la première. Pauline, oubliant qu’elle n’a pas de mains, jette les bras en avant pour le saisir. Le croirez-vous ? Cette eau était une eau enchantée. À peine les deux bras mutilés l’ont-ils touchée que les deux mains repoussent. Pauline saisit son enfant, elle l’embrasse, elle pleure, elle