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essayait-il, il refusait et préférait laisser l’assiette sans y toucher.

Un jour, pendant que Pauline arrangeait la pâtée de Prend-tout, quelqu’un l’appelle dans la cour ; elle laisse là l’assiette et elle sort. Lida, qui l’a vue sortir, prend vivement dans sa poche un cornet de poudre blanchâtre que bonne femme Laffe-de-boue lui a donné ; elle répand la poudre dans l’assiette, la mêle avec le manger et s’en va. Pauline revient, prend l’assiette, appelle Prend-tout et la lui donne. Prend-tout mange. À peine a-t-il achevé que le pauvre chien commence à se plaindre, à gémir. Lida fait semblant d’être en colère : « Dieu ! que les animaux sont ennuyeux dans les maisons ! » et elle le chasse. Prend-tout est comme un homme ivre, il traverse la cour en trébuchant, il arrive au bord du canal et se met à boire, à boire sans s’arrêter ; son ventre enfle, l’eau l’étouffe, il meurt.

À ce moment, Paulin rentre. Que voit-il ? Le cadavre de son chien, tout raide, la gueule noire, le ventre gonflé comme un tambour. Il appelle, Pauline sort de la maison et voit le pauvre Prend-tout, étendu mort au bord de l’eau. Pauline sent ses jambes fléchir, elle est forcée de s’asseoir pour ne pas tomber. Paulin vient à elle et lui dit : « Ah ! ma sœur, ce chien-là ne mangeait que de ta main, c’est ta faute s’il est mort ! » Que