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elle cesse de rire, elle le regarde. Elle reste longtemps plongée dans ses réflexions, et soudain elle s’en va. Elle cueille trois feuilles à trois herbes différentes, prend les trois feuilles dans sa bouche, et revient auprès de Tranquille.

Tranquille était couché sur le dos et semblait dormir la bouche ouverte. La tortue met les trois feuilles dans sa bouche, et voilà qu’à l’instant même Tranquille ouvre les yeux, étend les bras, s’étire et s’assied.

— Eh bien ! mon garçon, lui dit la tortue, est-ce assez dormi, ou bien si nous avons encore sommeil ?

Tranquille passe sa main sur sa figure et regarde. Il voit le corps de Brigand étendu mort auprès de lui, et le souvenir lui revient. Il voit son frère qui est là, couché sans vie, et le voilà qui se met à pleurer. Cette fois la tortue lui dit :

— Eh toi, Tranquille ! eh toi, mon garçon, entends-moi bien. La bonté, c’est bonté ; mais la bonté jusqu’à la bêtise, c’est bêtise. C’est moi qui ai ouvert la muraille pour vous sauver la vie, et Brigand m’a tuée et mangée. Mais moi, qui sais ressusciter les morts, je suis revenue dans mon écaille, et me voilà vivante encore, et je vivrai deux ou trois mille ans encore. C’est moi qui vous ai fait tomber dans le précipice ; c’est moi qui ai envoyé mon oiseau aux plumes dorées,