Page:Baissac - Le Folk-lore de l’Île-Maurice, 1888.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tranquille conduit Brigand à sa femme et lui dit :

— Ma femme, voici mon frère, mon frère aîné qui est tombé dans la misère parce qu’il a perdu les yeux. Notre devoir est de le prendre chez nous, de le vêtir, de le nourrir, de le soigner. Comme je sais que tu m’aimes, je sais que tu l’aimeras : je le remets entre tes mains.

Tranquille et sa femme étaient pleins de bonté pour Brigand. Ils lui donnèrent des habits, des souliers, un chapeau, tout ce dont il avait besoin, tout ce dont il avait envie. Brigand n’avait rien à faire qu’à boire, à manger, à dormir. Mais à mesure qu’il engraissait et que sa force revenait, il s’ennuyait davantage dans la maison. Et sa folie revint. Il était si méchant, il en fit tant et tant que la reine, ne pouvant plus y tenir, fut réduite à dire à son mari :

— Ton frère est un trop méchant homme ; il est plus méchant qu’une bête méchante ; je ne veux plus de lui chez moi : chasse-le.

Tranquille lui répondit avec douceur :

— Ne te fâche pas, ma femme ! patientons encore un peu, te dis-je. C’est sa lubie qui est revenue ; peut-être va-t-elle repartir tout à l’heure ! Il redeviendra bon, te dis-je !

Ah bien oui ! il n’y avait plus moyen d’y tenir avec Brigand : plus il allait, plus il devenait mé-