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— Ah ! monsieur ! je suis trop pauvre pour qu’il y ait un lit dans ma case : voyez vous-même. Si vous le voulez je vais étendre une natte pour vous ; mais j’ai bien peur que les puces ne vous empêchent de dormir ; vous êtes jeune, vous avez la peau tendre, elles me quitteront pour aller sur vous.

— Assez bavarder ! ma natte !

Brigand se couche. Les puces commencent. Elles lui sucent le sang : c’est, sur tout son corps, comme une poussière de feu. Il se lève, il se secoue et se recouche. Les puces reviennent et se jettent sur lui par nuées. Cette fois, Brigand écume de rage. Il saisit un tison sous la cendre, il souffle, ranime la flamme et plonge le brandon allumé dans la paille de la cabane. La pauvre petite case, toute de fataque et de vétiver, flambe en grand d’un seul coup, et la pauvre vieille femme se sauve en pleurant dans la forêt. Tranquille la suit.

Brigand se remet en route. Il arrive dans un autre pays dont le gouverneur cherchait des soldats pour faire la guerre. Brigand s’engage pour trente piastres par mois. Il part pour la guerre, et, comme il n’a peur de rien, il tape si fort qu’on le fait bientôt officier. Mais comment dire la vie qu’il faisait à ses soldats ! Coups de poing, coups de pied, coups de bâton : il les assommait sans rime ni raison. Tout le monde le détestait.