Page:Baissac - Le Folk-lore de l’Île-Maurice, 1888.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ou malgaches, il n’en épargne pas une. Vous le voyez, l’animosité de Lindor contre les brèdes qui courent est faite de gourmandise et de rancune. Mais Lindor n’a pas de fusil, et son vieux roquet blanc et rouge n’a guère plus de jarrets que de nez. Que faire donc ? Tendre des pièges. Or, Lindor est un assez pauvre braconnier ; ses assommoirs sont mal suspendus, ses collets mal dressés ; le lièvre évente sans peine cette « bande » de malices cousues de fil blanc, et Brèdes galoupé.

Maintenant, pour conclure, vous plairait-il vous mettre un instant au lieu et place de bonhomme Lindor ? Un animal, être assez fin, pour se montrer encore plus fin que vous ! être assez subtil, assez spirituel, assez rusé pour éviter toutes vos embûches ! Il y a du sortilège là-dedans, ou bien c’est l’esprit incarné, c’est la ruse en vraie personne naturelle. Et voilà pourquoi et comment nous avons fait du lièvre ce que vous savez : notre amour-propre est sauf, du moins.

Que notre explication vaille ou non, ce qu’il y a de certain, c’est que le lièvre, dans notre fable, a encore plus d’esprit que le singe lui-même, Compère Zacot, un cynique qui s’est fait plus d’une fois refuser l’accès de ce recueil. Compère Yève reste le gabeur par excellence. Mais, par exemple, quand son gab échoue et tourne contre lui, il est impossible d’être plus penaud, d’être déconfit plus à plat. C’est peut-être un